La vie extraordinaire et tragique de Jaco Pastorius

C’est le titre de la traduction française de l’ouvrage d’un journaliste du magazine étasunien Downbeat, enfin publiée (huit ans après !) chez un éditeur helvétique par ailleurs connu pour l’excellence de son travail de vulgarisation dans le domaine de… l’archéologie ! L’amateur de Pastorius (j’en suis…) en attend beaucoup et en ressort pour le moins circonspect. Car s’il s’agit là, indubitablement, d’une belle somme d’informations sur l’autoproclamé « plus grand bassiste du monde », ce travail manque singulièrement de mise en perspective pour que le lecteur puisse comprendre les véritables apports musicaux de Pastorius à la pratique actuelle de la basse électrique. N’est pas historien ni musicologue qui veut et Bill Milkowski se contente ici d’aligner les anecdotes, directement recueillies auprès du bassiste dont il était très proche jusqu’à sa disparition tragique (il fut battu à mort par le vigile d’un bar en 1987) ou auprès de musiciens qui le fréquentèrent au fil de sa fulgurante carrière (1975-1983 pour sa partie la plus féconde). Le résultat : une biographie très linéaire, trop bavarde, parfois répétitive et qui fait fi de tout sens de la hiérarchie éditoriale : au fond, on se fiche complètement de savoir que Jaco a pris un hamburger avec le batteur Bobby Economou avant l’un de ses concerts à Fort Lauderdale en Floride (page 39) mais on aimerait, en revanche, en apprendre davantage sur la réalisation de son premier album pour Epic en 1976, même (et surtout) s’il ne s’agit pas là de sa meilleure réalisation. On retiendra toutefois quelques informations intéressantes sur les coulisses de ses exploits, notamment lors de sa période la plus créative avec le groupe Weather Report, la chanteuse Joni Mitchell (et son fabuleux hommage au contrebassiste Charles Mingus) ou encore les premières années de son propre big band, Word of mouth. Ainsi qu’un court et passionnant paragraphe sur certains disques posthumes qui pose un éclairage inattendu sur des productions indignes dont la publication aurait toutefois aidé la veuve et les enfants de Pastorius à subvenir à leurs besoins. Pour le reste, plus de la moitié de cette biographie se complaît à décrire par le menu, mais encore une fois sans l’analyser, la lente descente aux enfers d’un artiste miné par la drogue, l’alcool et son état dépressif. Suivent quelques témoignages (convenus) de musiciens qui l’ont côtoyés, une série d’images, banales pour l’essentiel, une reproduction de partition, un index ainsi qu’une discographie sommairement commentée mise à jour en 2003. En somme, un ouvrage indispensable aux amoureux du jeu de Jaco (et ils sont nombreux). Les autres peuvent sauter cet épisode en attendant le livre sur Pastorius.

Pascal Kober

Par Bill Milkowski, éditions infolio, Lausanne, 2003, 258 pages.

Chronique publiée dans le numéro 610, daté mai 2004, de la revue Jazz Hot.

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16 réponses à La vie extraordinaire et tragique de Jaco Pastorius

  1. Kreisler dit :

    Bonjour,
    J’ai lu avec intérêt votre article. Je prépare un travail de recherche sur Jaco Pastorius et je ne trouve pas la traduction française du livre de Milkowski. Pourriez vous m’aider ?
    Cordialement,
    Jean-Baptiste Kreisler

  2. Pascal Kober dit :

    Cet ouvrage est toujours disponible dans sa version française chez l’éditeur suisse infolio :
    https://www.infolio.ch/livre/la-vie-extraordinaire-et-tragique-de-jaco-pastorius.htm

    • Laurence dit :

      Bonjour monsieur Kober,
      Impossible de trouver une édition de votre livre en français, ni sur infolio, ni sur Amazon. Bref, il est introuvable !
      Au secours ! Où puis-je le trouver ?

      • Pascal Kober dit :

        Je ne suis pas l’auteur de cet ouvrage ! Je me suis contenté d’en faire un compte-rendu (il y a plus de dix ans…) dans la revue Jazz Hot pour laquelle je travaille.

        Mais le livre est en effet aujourd’hui épuisé si j’en crois le site de l’éditeur.

  3. Djackhouse dit :

    Sensationnel blog qui est le vôtre. Je suis fan de de Weather Report et de Jaco. Je suis heureux de vous avoir rencontré et de vous lire. Merci pour l’info concernant le livre sur Jaco chez InFolio. Je vais de suite me rendre sur le site suisse pour l’acheter. A bientôt.

  4. Djackhouse dit :

    Le livre ici : https://www.infolio.ch/livre/la-vie-extraordinaire-et-tragique-de-jaco-pastorius.htm est épuisé une fois de plus , mais ou vais-je bien pouvoir le trouver :-(

    • Simone dit :

      Once in 1977 in Buenos Aires (Argentina), met Jaco cause I was the only guy speak english, just I was request for a friend to help with the language. At that time I study music and to meet Jaco was weird, almost impossible to believe my eyes. He was a tall guy and long hairs (to e in the jazz rock scene) looks more like a hard rock musician that everything else. So after helped with the language I talk to Jaco a few minutes. He was happy and overexcited, and I took the chance to ask if I can looks at his bass, he say «  No problem !  » and bring a strange coffer with 2 Fender basses (at that time I had 17 years old). I ignore he got 2 basses always. I guess he have a Fender fretless. So, he open this extra large case and inside have the 2 fender basses inverted head to body, both basses was in one case custom made. I look at those and he catch the one I ask (fretless) and passed to me… I got a sensation very rare cause I think I never could take it. I grab the Jazz bass and play a bit over and I pas back to him few seconds later and he say test thats is more easy (cause the frets had been there) what inever forget was the freted was more worn then the other one.. But both was (to me at that time) kind of destroy… Paint around the edges has been gone and u can see the wood. Neck was dark in between 3rd and 10nd fret, and very scratched the back of the body. I did some pictures and was so happy to see him in person and in the same time so sad to see a man so hooked in drugs. With my more deep respect to him and all whom love Jaco Pastorius. Miss u man… A. Larroca.

  5. mimi dit :

    Je suis fan de Jaco et je veux acheter sa biographie par Bill Milkowski (Ed 1995) après l’avoir découvert dans deux bibliothèques de Paris :
    – Bibliothèque Valeyre (9e)
    – Bibliothèque Musicale des Halles (1er).
    Deux magasins de la Fnac à Paris tentent désespérément de le commander… Je comptais le commander à l’éditeur suisse mais vous avez déjà essayé ! Je veux rajouter que je vais aller sur le site de Bill Milkowski. Peut-être, il pourra aider à sa réédition ?

  6. Brulard dit :

    Bonjour M. Kober. Je pense à l’inverse de ce que vous affirmez que le 1er disque de Pastorius est le meilleur. Le rapport Jeune âge/maturité/créativité en fait une oeuvre exceptionnelle. Pat Metheny le classe d’ailleurs parmi les disques de jazz les disques les plus importants du 20 ème siècle. Cordialement.

  7. Paul dit :

    Mr Brulard a probablement raison. Le premier disque de Jaco est très certainement le meilleur ! Je suis bassiste professionnel, j’ai beaucoup étudié cet instrument, aussi dans des écoles américaines de renom, tous les maîtres instructeur de ce fabuleux instrument s’accordent à dire que cet album est le meilleur.
    Cordialement.

  8. Ait Chikh Ahmed dit :

    Bonjour à tous,
    J’ai acheté le livre de Bill Milkowski, mais en anglais. Impossible de mettre la main sur la version française. Et je dirais même plus, le meilleur album de Jaco, c’est son premier de 1976. Le son de sa fretless est inimitable et je l’écoute depuis fort longtemps sans modération.

  9. Rouldug dit :

    «  C’est un génie ! », disait Toots Thielemans à son sujet. Il compte parmi les grands noms du jazz du XXe siécle avec Art Tatum, Charlie Parker, Charlie Christian, Miles Davis et Jimi Hendrix. Un grand compositeur («  3 views of a secret » devrait être étudié dans tous les conservatoires), un grand interprète, un innovateur… Quel dommage que son physique et son mental n’aient pas pu suivre… Le jour où j’ai appris sa mort et comment il a fini, j’ai pleuré.

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