All So’ : Jazz, etc.

English review below

Photo : Christian Rausch

Photo : Christian Rausch

All So’ comme un triple clin d’œil. Deux clins d’œil pour Miles, bien sûr, par qui le jazz est venu à moi. Avec All blues et So what, Miles Davis a écrit, pour l’album Kind of blue, deux thèmes forts de l’histoire de cette musique. Clin d’œil aussi à la chanteuse Sophie Villamayor puisque All So’, c’est tout Sophie. Ou tout pour Sophie. La juste place du bassiste dans une telle formation. Comme me le disait Steve Swallow dans un entretien avec lui pour la revue Jazz Hot : « Ce n’est pas tellement le son ou l’instrument lui-même qui m’a séduit, mais plutôt le rôle social de la basse, le service qu’elle rend au sein du groupe. Cet aspect m’a immédiatement attiré. Il y avait là quelque chose qui me paraissait juste, qui était plus gratifiant que de simplement jouer et improviser. Et aujourd’hui encore, je retrouve souvent ce sentiment, ce merveilleux sentiment, qui fait que lorsque le saxophoniste prend un solo magnifique, le bassiste sourit secrètement car il sait que, dans un sens, c’est aussi un peu son solo. »

Pascal Kober

Cliquez sur le titre du thème pour lancer son écoute.

Summertime (George Gershwin, DuBose Heyward et Ira Gershwin)

Ce thème emblématique de la culture américaine, ici inspiré d’une très belle version de la chanteuse Molly Johnson, prête son titre à une nouvelle émission de jazz d’Elsa Boublil pour France Inter. Il faut aussi aller visiter les sites Internet de deux collectionneurs fous qui ont recensé des zilliards d’enregistrements ainsi que quelques anecdotes croustillantes : c’est ici et ici. Ainsi, ce morceau qui date de 1935 existe-t-il aussi dans une version en langue maori (He raumati) chantée par Whirimako Black. Mais c’est Billie Holiday qui en interpréta la première version jazz chantée, à peine un an après, et en même temps qu’un autre musicien (Caspar Reardon) la jouait pour la première fois à la harpe. Sans parler de Steve Mann qui en proposa récemment une version à… l’hydraulophone ! Enjoy…

Sunny (Bobby Hebb)

Une composition de Bobby Hebb en hommage à son frère Sunny, assassiné le 23 novembre 1963, à la sortie d’une discothèque de Nashville aux États-Unis. À propos de cette interprétation d’All So’, le chanteur nous écrira lui-même le 29 juillet 2007 : «  Thank you for your wonderful version of SUNNY. Peace and Love, Bobby Hebb » Le chanteur nous a quittés le 3 août 2010, quelques jours avant la chanteuse Abbey Lincoln et le photographe Herman Leonard. Sale temps…

Another day (Molly Johnson, Mark McLean)

I wish (Stevie Wonder)

Sophisticated lady (Duke Ellington)

Mack the knife (Marc Blitzstein, Bertolt Brecht, Kurt Weill)

Can’t buy me love (John Lennon, Paul McCartney)

Créée en mars 2005, All So’ a fait ses adieux à la scène trois ans après en donnant son dernier concert en octobre 2008. La formation a néanmoins eu le temps de graver ce CD en octobre 2006 (Jazz, etc.), aujourd’hui épuisé et dont les thèmes peuvent être écoutés ci-dessus. Sur cet enregistrement, réalisé par Philippe Valdes au studio La Cigogne (à l’exception de Summertime, capté en public par le même ingénieur du son), le groupe était composé de Sophie Villamayor (chant), Pierre Bigorgne (piano), Hervé Denis (bugle, trompette), Vincent Duchemin (batterie) et Pascal Kober (basse acoustique fretless).

Ce qu’ils en ont dit :

Robert Latxague (Jazz Magazine)

Ils ont franchi le pas. Ils l’ont fait. Par engagement. Ils se baladent désormais de l’autre côté du miroir. Pas all blues, non. Et alors, so what  ? Le cinq de Grenoble verse dans le groove et la mélodie avec fougue, avec une grosse envie. Avec le feu intérieur qui, chez les vrais amateurs, confine à la passion. Celle née de la relation à leur instrument, au jazz et ses démons d’improvisation. Et pas qu’au jazz puisque on les sent tous et chacun en particulier tellement heureux de s’approprier des petits bouts de pépites griffées Stevie Wonder, Lennon – McCartney ou Brecht. Rien que ça, rien moins  !  Question de génération, de mémoire musicale du monde, de message artistique à transbahuter par intime conviction. Un tel plaisir forcément, se partage. Et ils l’entendent bien ainsi puisque partant de l’Isère ils comptent bien prendre la route sans compter. On the road again vers l’ailleurs. Le jazz dans l’âme reste affaire de découverte, n’est-ce pas  ? Ainsi va la musique qui vit à la fois de mesures et de démesure. Question désir et plaisir à conjuguer à toutes les personnes. Jazz. etc. Ils ont pris le pari de jouer le jeu du point sans suspension, de notes plutôt bleues à mettre à la portée de tous, en partage. En mode d’invitation. De celles qui ne se refusent pas.

Erwan Benezet (Le Parisien)

On pense connaître ses amis sur le bout des doigts. Et un beau jour, on découvre une face cachée. Non pas une «  dark side of the moon  » chère aux Pink Floyd. Moins encore le «  côté obscur de la force  » de l’œuvre de George Lucas. Dans le cas qui nous intéresse ici, ce serait même plutôt une mise en lumière  ! Un beau jour, Sophie (puisqu’il s’agit d’elle) débarque à l’improviste, sort un CD de son sac et le pose sur la platine  : «  Tiens, écoute ça…  » Une voix chaude, envoûtante, s’évade des enceintes. Derrière, un piano électrique égrène quelques notes, accompagne sans trop presser, enveloppe comme un écrin la chanteuse qui susurre la fin du premier couplet. Puis, tout s’emballe. La batterie lance la charge, soutenue par une basse bien plantée. Un solo de trompette se pointe à point nommé  : le standard Sunny de Bobby Hebb est ici revisité de main de maître par un quintette qui, assurément, sait où il va. S’enchaînent cinq autres reprises, flirtant avec le meilleur de la pop  (I wish de Stevie Wonder ou Can’t buy me love des Beatles), le jazz dans la plus pure tradition (Sophisticated lady tendance Ella Fitzgerald) ou même la comédie musicale (Mack the knife, originellement composé par Kurt Weill sur des paroles de Bertolt Brecht). Et le pauvre auditeur de se triturer les méninges en tendant l’oreille  : à qui diantre peut donc bien appartenir cette sacrée voix  ? On aimerait sortir grand vainqueur de ce blindfold test improvisé, passant en revue toutes les grandes interprètes actuelles, mais rien à faire. Rien à faire car, comme souvent, c’est lorsque l’on a la réponse sous les yeux qu’on est le plus aveugle  ! All So’ indique la couverture. So’ pour Sophie, comme cette jolie blonde passée boire un verre comme le fait une amie et qui décidément nous étonnera toujours. On savait qu’elle poussait la chansonnette depuis de nombreuses années, qu’elle était passionnée de jazz depuis plus longtemps encore. Mais comment deviner qu’elle en était arrivée à une telle maîtrise, entourée d’une bande de musiciens capables d’apporter une touche personnelle à de tels standards  ? On attend avec impatience l’album ainsi que leurs prochaines dates de concert. Priez le dieu du jazz, s’il existe, pour qu’All So’ passe près de chez vous…

Robert Barry Francos (Jersey Beat)

All So’ is French singer Sophie Villamayor’ jazz combo. Her self-titled CD release is full of standard jazz choices (such as Mack the Knife and Sophisticated Lady), and some interesting choices (Sunny, Can’t Buy Me Love and Stevie Wonder’s I Wish). Sophie’s voice is smooth and fits in with the combo quite smoothly. I would have liked to have heard her a bit higher in the mix, as she can get lost, but even when that happens, she more becomes and equal part of the mix of the whole than just a front-person. Perhaps that is what they were going for, and if so, it works. Sophie’s voice is sort of like raindrops that bounce on the leaves of the notes, cascading down the side of the song, playful and meandering. It’s sweet, and the combo keeps up the mood.

© 2007 Photo : Véronique Dupré

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