Jon Hendricks (1921-2017)

À la fin des années 1950, il fut le «  papa » du style vocalese, cette façon si singulière d’adapter à la voix le son et le phrasé des instruments des orchestres de jazz, repris notamment en France par les Double Six. Il était aussi et surtout le papa de Michele Hendricks, formidable «  scatteuse » et chanteuse de jazz qui vit en France depuis de nombreuses années. Jon nous a quitté hier à l’âge de 96 ans. Avec toi, Michele…

Et so long Jon, pour ces instants de bonheur glanés au fil de tes concerts (où j’ai notamment pu croquer ce portrait qui figure dans mon Abécédaire amoureux du jazz).

Pascal Kober

Jon Hendricks Festival Jazz à Vienne 1991 Photo : Pascal Kober

Jon Hendricks
Festival Jazz à Vienne, 1991
Photo : Pascal Kober

PS. Quelques textes sur Jon que j’ai publiés dans la revue Jazz Hot :

JON ET MICHELE HENDRICKS

Tel père, telle fille

En 1991, ils s’étaient croisés, presque furtivement, sur la scène du théâtre antique du festival de Vienne (voir le numéro 482 de Jazz Hot). Michele se produisait alors avec Vocal Summit, et Jon avec sa Company, sa petite famille en quelque sorte, regroupant notamment sa femme Judith et son autre fille Aria. Jon était alors à deux doigts de fêter son anniversaire et il me confiait après son concert : « J’ai bientôt 70 ans, mais c’est mon corps qui a cet âge-là. Mon cœur, lui, en a toujours 9 !  » Merveilleux grand-père… Au-delà des évidentes divergences musicales entre les deux formations vocales (l’une plutôt audacieuse, l’autre respectant davantage la tradition du style vocalese), le père et la fille s’étaient retrouvés sur un terrain : le plaisir de chanter ensemble. Surtout, ils avaient joué le jeu des retrouvailles en direct, inopinées, non calculées, sincères. Un bœuf en somme, un peu de cette essence même du jazz, aujourd’hui trop souvent absente des grandes manifestations estivales. Moment de grâce sur Everybody’s Boppin’ qui a séduit Jean-Paul Boutellier, alors directeur de Jazz à Vienne.

Pascal Kober

Jon Hendricks
Recorded in person at the Trident
Musiciens  : Jon Hendricks (voc), Noel Jewkes (ts), Flip Nunez (p), Fred Marshall (b) et Jerry Granelli (dm).
Thèmes  : This could be the start of something big, Watermelon man, Old folks, Gimme that wine, One rose, Cloudburst, Shiny silk stockings, Yeh  ! Yeh  !, I wonder what’s become of Sally, Stockholm sweetnin’, Jon’s Mumbles.
Enregistré  : en 1965 à Sausalito.
Durée  : 36’23.
Référence  : Mercury 510 601-2.

«  Mister No Blues  », tel pourrait être le surnom de Jon Hendricks. Non qu’il ne sache pas taquiner la note bleue, mais bien parce que ses textes, ses thèmes, son interprétation explosent de joie. Dans les notes de la pochette originale, Leonard Feather met d’ailleurs l’accent sur cette philosophie  : «  L’homme prend du bon temps et veut que le public partage son sentiment. Une attitude regardée avec condescendance et suspicion dans certains cercles musicaux modernes.  » Déjà en 1965  ? Sur un répertoire dévolu aux standards, Jon Hendricks est tour à tour crooner (Old folks), romantique (One rose), facétieux (Shiny silk stockings) ou truculent (ah, le «  Brigitte Bârdâ  » de Gimme that wine !). Il y a du plaisir et du sourire, de la jouissance et du rire chez ce chanteur dont l’approche hédoniste de la musique n’a pas varié d’un iota depuis 40 ans. D’aucun lui reprocheront ce côté entertainment. Mais c’est aussi là, historiquement, l’une des composantes du jazz. Quel que soit le contexte, qu’il œuvre en pionnier dans le cadre de son trio avec Dave Lambert et Annie Ross ou qu’il fasse appel à des monstres sacrés comme Al Jarreau ou Tommy Flanagan (sur son dernier enregistrement, Freddie Freeloader), Jon Hendricks s’amuse. D’abord et toujours. Un disque trop court, comme un petit morceau de bonheur inoubliable.

Pascal Kober

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