Belgique : Anvers Jazz Middelheim

Toots Thielemans, 90 ans, Jazz Middelheim Anvers 2012, photo Pascal Kober

Toots Thielemans, 90 ans, Jazz Middelheim Anvers 2012, photo Pascal Kober

Joyeux anniversaire, cher Toots ! Le plus grand harmoniciste de la planète fête ses 90 ans. Et c’est bonheur que de revoir Toots Thielemans en scène, musicalement très à son aise devant sept mille personnes, toutes debout pour saluer les dernières notes d’un What a wonderful world qui me met les larmes aux yeux. Sûr qu’un monde selon Toots serait en belle harmonie ! L’homme joue. Il joue bien. Et se joue de tout. De l’histoire du jazz en greffant habilement un Summertime au célèbre riff d’introduction de All Blues. Ou de son public qui sifflote Bluesette à l’unisson avec lui. Une seule date cet été à son carnet de bal : Anvers. Pour un festival dont il est le parrain depuis 1981. Ici, Toots est chez lui, à quelques encablures de Bruxelles, sa ville natale. Et dans un port, le deuxième d’Europe après Rotterdam, qui a vu des millions d’émigrants se rendre aux Amériques via la fameuse ligne transatlantique de la Red Star (l’étoile rouge !) au tournant des XIXe et XXe siècle. Cette ouverture sur le monde confère à la cité flamande un esprit un tantinet frondeur dont on ne soupçonne pas toutes les richesses. Ici a vécu au XVIe siècle, l’un des premiers imprimeurs au monde, Christophe Plantin, à qui est dédié un musée. Ici est le MAS, un autre musée, de société, remarquable tant par son architecture que par les parcours proposés pour mieux comprendre la ville. Ici sont marquées au fil des ruelles les activités maritimes et la vigueur des échanges culturels. Ici se vit la douceur d’un centre historique ancré sur les rives de l’Escaut.

Jazz Middelheim Anvers 2012, ambiance, photo Pascal Kober

Jazz Middelheim Anvers 2012, ambiance, photo Pascal Kober

C’est à la périphérie que se déroule un festival qui a des accents de petit Marciac. Même chapiteau posé dans la verdure, le gazon du stade remplacé par l’herbe du jardin de sculptures du musée Middelheim, mêmes stands de produits régionaux, la bière d’Anvers remplaçant le tariquet. Même ambiance bon enfant et une programmation permettant aux musiciens belges de jouer face à un public venu nombreux pour les têtes d’affiches. On a ainsi pu écouter le guitariste Philip Catherine, dont le jeu est toujours aussi lyrique, avec Larry Coryell (notamment dans une merveilleuse version en duo de Insensatez, le thème de Tom Jobim). Mais aussi deux expériences musicales audacieuses, la première, très originale, même si éloignée de l’idiome jazz, par le trompettiste Eric Vloeimans avec un ensemble… baroque (!) ; la seconde de l’accordéoniste Tuur Florizoone qui a composé une pièce rendant hommage, à l’occasion des cinquante ans de l’indépendance du Congo, aux enfants abandonnés nés d’unions mixtes («  les bâtards de la colonie », pour reprendre le titre du livre de Kathleen Ghequière et Sibo Kanobana). Ici, nul exotisme de pacotille (Tuur est lui-même né en Afrique) mais un juste choix de musiciens (et notamment Tutu Puoane, magistrale au chant) et de thèmes fortement ancrés dans les rythmes du continent. Une belle découverte.

Stefano Bollani et Hamilton de Holanda, Jazz Middelheim Anvers 2012, photo Pascal Kober

Stefano Bollani et Hamilton de Holanda, Jazz Middelheim Anvers 2012, photo Pascal Kober

À noter enfin la prestation très complice et tout en sourires du pianiste Stefano Bollani avec Hamilton de Holanda au bandolim, célébrant le génie (harmonique puis rythmique) des grands compositeurs brésiliens en enchaînant des thèmes comme Luiza (de Jobim) ou Laura (de Gismonti), avant de finir sur un Happy birthday pour Toots. Et last but not least, le concert de ce festival : avec le batteur Amir Brelser et le pianiste Omri Mor, le contrebassiste Avishaï Cohen invente un nouvel art du trio. Puissance de jeu, comme d’intensité musicale, littéralement extraordinaire, énergie et virtuosité, aisance très ludique en scène (ah, ses chorégraphies avec la «  grand-mère » !), sens du partage et de l’œuvre commune, tout cela chante (et de belle façon) et ne suscite jamais le moindre ennui. Au point que ce trio-là sait même séduire ces deux jeunes filles assises à mes côtés qui se seraient presque mises à danser. Comme pour mieux démontrer que le jazz peut être à la fois exigeant et festif. À l’image de ce festival, en somme.

Pascal Kober

Chronique du festival Jazz Middelheim (Anvers, Belgique ; du 16 au 19 août 2012) publiée dans le numéro 661, daté automne 2012 de la revue Jazz Hot. Site Internet : www.jazzmiddelheim.be

Miam !
Antwerpen Proeft et la Bollekesfeest. En août et toujours en plein-air, un salon du goût, un marché des produits du terroir et une fête de la bière (la De Koninck, locale, qui se déguste aussi sur les nombreux stands du festival).
Boulevard Leopold. Les petits-déjeuners amoureusement mitonnés par Martin et Patricia Willems y sont succulents. Mais surtout, cette jolie maison d’hôtes, nichée non loin du quartier des diamantaires et (en bus) du site de Jazz Middelheim, est atypique pour sa décoration intérieure. Passion des propriétaires pour les antiquités oblige, elle transporte le voyageur un siècle en arrière et transforme ce minuscule hôtel particulier (seulement trois chambres et deux appartements) en un véritable cabinet de curiosité. Une expérience singulière !
+32 486 67 5838
Site Internet : www.boulevard-leopold.be

 

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