Elina Duni : Matanë Malit

Duni ElinaDerrière la ligne bleue des Alpes, pour Elina Duni, il y eut d’abord l’exil. Un pays, l’Albanie, fracassé par tant d’années de dictature. Un grand-père écrivain bâillonné par le régime, une maman elle-même romancière, un papa acteur. Et finalement, le départ de la famille pour la Suisse en 1992. Elina a onze ans. Elle chante. Dès son adolesence, flirte avec les standards du jazz et les Léo Ferré et Serge Gainsbourg du French songbook. Premier CD (Baresha) en 2008. Elle y interprète plusieurs chansons françaises dont une très troublante «  Javanaise ». À peine une pointe d’accent. Juste de quoi faire fondre. Sa rencontre avec le pianiste Colin Vallon va tout changer. Et si elle revenait à la musique de son pays natal ? En 2009, au festival de jazz de Grenoble, son chant fait mouche : générosité, force et délicatesse. Avec ce troisième CD, Matanë Malit (Au-delà de la montagne, donc), enregistré pour le label allemand ECM, elle épure encore ce trait musical qu’elle dessine pour relier improvisation et mélodies traditionnelles albanaises. Sur des lignes harmoniques d’une sobriété bouleversante (trois accords, pas un de plus, comme dans le blues, pour le magnifique «  Kjani trima »), Elina Duni nous conte, dans cette belle langue, des amours pastorales aussi bien que des histoires de bergers et de résistants anti-fascistes. Et réussit, par la grâce d’un trio aux interprétations d’une rare intelligence, à ne pas emprunter les sentiers tant dévoyés d’une world music abâtardie. Elina Duni est une passe-montagne. Qui se découvre de belle façon.

Pascal Kober

Musiciens  : Elina Duni (voix), Colin Vallon (piano), Patrice Moret (basse), Norbert Pfammatter (batterie).
Thèmes : Ka Një Mot, Kjani Trima, Kur Të Kujtosh, Vajzë e Valëve, Unë Ty Moj, Erë Pranverore, Çelo Mezani, Ra Kambana, Çobankat, Kristal, U Rrit Vasha, Mine Peza.
Enregistré  : en février 2012 à Pernes-les-Fontaines.
Durée  : 53’42″.
Référence  : ECM 2277 370 6457 (Universal).

Chronique publiée dans le numéro 59, daté hiver 2013, de la revue L’Alpe.


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